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Un WWDC2018 placé sous le signe de la stratégie pour Apple

5 Jun 2018 | 4 minutes de lecture

Categories: analyse

Hier s’est déroulée la grande messe annuelle pour les développeur·se·s spécialisé·e·s dans les produits Apple. À titre personnel, je suis assez content des annonces. On est sur un ensemble d’améliorations plutôt intéressantes bien qu’assez mineures (dommage que, comme à son habitude, Apple annonce ça comme s’ils venaient de découvrir l’électricité). La chose qui m’a particulièrement marquée c’est l’aspect stratégique de ces annonces.

L’année a été marquée par une ouverture d’Apple vers les PWA (Progressive Web Apps), ces “sites web enrichis” qui viennent se substituer à des applications natives. La réticence d’Apple à offrir les outils nécessaires à la création de ces PWA s’expliquait très facilement par la concurrence directe de ces applications web avec sa poule aux oeufs d’or : l’AppStore.

Avec cette keynote, les équipes de Tim Cook annoncent leur réponse à la question de la survie de l’AppStore. En misant le paquet sur son ARKit et sur l’intégration des Apps avec Siri, Apple offre aux applications natives la possibilité de fournir une forte valeur ajoutée vis à vis des PWA.

Cerise sur le gâteau : même avec un kit de développement aux petits oignons, produire du contenu en réalité augmentée demande un effort important connu du public. Cela signifie que vendre des applications AR à des tarifs dans le haut du barème AppStore est tout à fait justifiable, et justifié.

ARKIT2

Autre détail marquant de la keynote, la professionnalisation des OS de la firme à la pomme.

Sur les premières minutes de la présentation de macOS Mojave, j’ai eu l’impression qu’ils avaient fait un macOS Project Manager Edition. Entre les screenshot améliorés, les “stacks” sur le bureau, le Finder qui se voit dotée d’un affichage complet des méta-data et d’éditions ultra rapide de document, on est clairement sur des évolutions à destination des professionnels.

C’est plus discret au niveau des nouveautés iOS, qui reste quand même un OS qui vise tout le monde, mais on a quand même une volonté de faciliter la productivité avec l’arrivée de ScreenTime (qui joue aussi un rôle de contrôle parental, d’une pierre 2 coups), de Shortcuts (qui n’est finalement ni plus ni moins qu’Automator branché sur Siri) et de l’optimisation des notifications et du DND (Do Not Disturb - Ne pas déranger).

Dernièrement, l’évolution des produits allait plus dans une optique grand public. Il faudra voir dans le temps si la focalisation cette année sur la productivité est une simple “mise à niveau” ou si Apple revient à ses premiers amours avec des appareils à destination des professionnels. Comme pour ARKit, on aurait alors un positionnement plus de “niche” mais avec un grille tarifaire plus élevée.

quicklook

En ces temps où l’actualité, riche en RGPD et autres Cambridge Analytica, les utilisateur·rice·s d’outils numériques commencent à être doucement sensibilisé·e·s aux problématiques de vie privée, Apple prend les devants en annonçant un ensemble de mesures de protection de la vie privée, avec un meilleur contrôle des accès aux éléments matériels (webcam, …) .

Le gros pavé dans la marre reste la protection contre le tracking. Le message est clair : on vous protège des méchants Facebook et Google, qui font leur business sur vos infos perso. Le Bingo est total pour la firme de Cupertino : on passe pour les gentils protecteurs, et on vient attaquer directement le business model des concurrents.

On ne peut pas passer à coté d’une certaine hypocrisie dans le message délivré, notamment quand on pense au nouvel onglet “For You”de l’application Photo, dont la création d’albums photos concentré sur ce qui nous intéresse ne fonctionne évidemment pas grâce à une boule de cristal. On peut essayer de se rassurer grâce à la politique de sécurité plus stricte depuis les scandales de fuites de photos depuis iCloud en 2014.

Cet article est probablement biaisé par les éléments qui m’intéressent dans les produits Apple, mais je ne peux m’empêcher de voir cette édition 2018 comme un recadrage stratégique plutôt qu’une volonté d’aller chercher la grande révolution marketing. A voir si cette tendance se confirme sur les prochaines annonces.