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Une drôle d’année

31 Dec 2020 | 10 minutes de lecture

Disclaimer : Avant de reprendre le cours habituel des articles d’analyse et de conseil, je voulais publier celui-ci, plus personnel. Je l’ai d’abord écrit pour moi et sans être certain de le mettre en ligne. J’y parle de mon année 2020, de la façon dont j’ai vécu ces 2 confinements d’un point de vu professionnel, de mes doutes, de mes échecs et de mes réussites. Je l’ai écrit sous le prisme du management d’une équipe de 20 personnes.

Si je le publie c’est parce que dans l’océan de livres, articles et podcasts qui abordent le management avec plein de certitudes, j’aime quand je peux voir que je ne suis pas le seul qui traverse des galères et qui doute. Alors si mettre cette rétrospective en ligne est utile à au moins 1 personne, ça sera gagné pour moi (et faites le moi savoir, c’est toujours encourageant).

J’aime me prêter au jeu des retrospectives personnelles en fin d’année. Je trouve l’exercice intéressant et si je ne le fais pas tous les ans, je pense que pour 2020 c’est essentiel. Je ne vais pas vous apprendre que cette année a été assez particulière, j’imagine qu’elle l’a été pour vous aussi.

Elle avait pourtant commencé comme beaucoup d’autres. On se fixe des objectifs personnels, des objectifs pour l’équipe, on commence à réfléchir aux moyens à se donner pour les atteindre … En toile de fond, on entend parler d’un virus inquiétant en Chine, mais honnêtement, on n’y prête pas plus d’attention que ça.

Les premiers mois passent et on lance la machine. Pendant ce temps, le virus touche l’Italie et on nous dit qu’il est plus costaud qu’une grippe alors on arrête de se faire la bise et de se serrer la main. Ça ne change pas grand chose au quotidien. En tant que manager, ça fait un peu bizarre de ne plus faire le tour des popotes pour dire bonjour. C’est un moment qui peut paraître anodin, mais qui transmet beaucoup d’informations non verbales. En même temps, comme d’autres, je me dit que ça peut être cool si l’arrêt de la bise permet de faire reculer un peu le sexisme en entreprise.

Et puis en mars, tout bascule. On est touchés par la première vague de l’épidémie et on se confine.

Hulk disant qu'il est fait pour ça

Moi quand Manu annonce un confinement

Je suis quelqu’un d’introverti, ascendant cocooning, alors quand on me dit que tout le monde va devoir rester chez soi pendant au moins 15 jours, ça n’est pas quelque chose qui m’effraie.

Pourtant c’est vite compliqué. Je ne télétravail habituellement pas, ma femme non plus. Alors quand il faut s’organiser pour bosser à 2 et faire en plus l’école à la maison, c’est vite l’enfer (les activités de petite section se font rarement au calme avec une feuille et un stylo). On s’en sort, mais dès le début ça demande de l’énergie.

Le prolongement de la situation est de plus en plus inévitable, et là c’est la foire ! Des webinars aux articles de blog en passant par les tables rondes virtuelles et les livres blanc, chacun·e y va de son petit pavé de recommandations sur le bon fonctionnement en remote … et je ne vais pas les blâmer, j’y suis moi même allé de mon petit post.

Il faut dire que le sujet m’intéresse, simplement parce que je veux être capable d’accompagner convenablement mon équipe dans cette période qui s’annonce compliquée. Alors je lis ces articles, je suis ces webinars, et je prends tout un tas de notes que je surligne quand je vois les sujets qui se recoupent. En à peine une semaine, je me sens super armé pour ce passage de full agence à full remote.

Mais j’oublie 2 détails … 2 gros détails :

  • Le premier, c’est qu’on n’est pas dans un contexte normal. Je le sais, je le dis, je le tweet, mais je ne le prends pas suffisamment en compte. Oui tous ces conseils sur le télétravail sont pertinents, mais ils sont aussi adaptés à un contexte où l’on peut sortir voir des potes ou coworker pour se changer les idées et où l’on n’a pas en plus à vivre une promiscuité non désirée, ou la responsabilité de gèrer les différents apprentissages de ses enfants, quel que soit le niveau ;
  • Le second, c’est que c’est brutal et forcé. On n’est pas en télétravail parce que depuis plusieurs mois on prépare un environnement fait pour, avec une culture du remote forte. Non, on a des gens qui bossent sur le plan de travail d’une cuisine en travaux, d’autres qu’on a recruté parce qu’après avoir testé le freelance, il avaient besoin de contact humain.

Malgré tout, on arrive bien à s’adapter. On prend vite en main les outils même si tout n’est pas très homogène. Et on est lancés. On connaît nos projets, on sait ce qu’on a à faire dessus. On avance.

On n’a plus de babyfoot, mais on essaye de recréer la vie d’agence avec des petits jeux, des partages de notre environnement de confinement et des rituels comme le bonjour du matin sur Slack. Je le disais plus haut, le bonjour du matin n’est pas anodin et s’il ne permet plus de sentir l’humeur des gens (autrement que par la qualité des gifs partagés), il permet quand même de voir que tout le monde est là et qu’au delà des 3 personnes avec qui on a une réunion aujourd’hui, il y a toute une agence qui avance avec nous dans cette galère. Ça à l’air con, mais ça maintien un lien.

Vald avec un tshirt bonjour

Gare à celui ou celle qui ne dira pas bonjour

Au loin, on la voit arriver … on en entend parler … on sait qu’elle va nous tomber dessus … on s’y prépare …

Ca n’empêche pas qu’on se la prend en pleine face, cette crise économique.

On a la chance chez Novaway de travailler sur mesure. On s’est même spécialisé dans la compréhension des métiers de nos clients. Ça nous permet de ne pas avoir tous nos œufs dans le même panier. Mais certains de ces clients sont dans des domaines fortement touchés, d’autres se montrent prudents dans leurs décisions, et par effet domino, nous sommes aussi touchés.

Niveau organisation, ça devient alors plus compliqué. On essaye de s’organiser, de gérer le chômage partiel pour limiter son recours, et de faire en sorte que son impact soit le plus équitable possible. On aimerait pouvoir prendre suffisamment de recul pour planifier sur du moyen terme mais on n’y arrive pas. On est presque au jour le jour et c’est un cercle vicieux. La gestion de la situation occupe plus de la moitié de mes semaines, c’est épuisant.

En plus du milieu professionnel, le confinement est long et commence à peser sur le moral de toutes et tous. Je fais des efforts pour tenter préserver la santé mentale de mon équipe et de gérer les difficultés et tensions en interne mais j’en oublie un peu la mienne et, à bout de nerfs, je deviens parfois moi-même catalyseur de ces conflits.

Au mois de mai commence le déconfinement. Par sécurité, on décide de rester en télétravail et de se rejoindre fin juin pour un apéro en plein air (pour celles et ceux qui sont assez à l’aise). Je décide de m’y rendre, principalement poussé par une envie … un besoin de revoir un peu l’équipe pour de vrai.

Pour les mois de juillet et août, on programme un retour progressif au bureau, en augmentant la capacité toutes les 2 semaines. L’ambiance dans cet Open Space est étrange, un peu comme lors des débuts de vacances où la moitié du groupe est absente. Mais on voit des têtes, on sort un peu, on a l’impression de commencer à retrouver une vie normale. L’école à la maison se termine aussi, c’est un pression en moins.

Les congés d’été arrivent au bon moment. Je suis épuisé et c’est l’occasion de déconnecter et me reposer. Je me remet doucement au footing et profite de la période pour faire quelques randonnées. Cette bulle d’air me permet aussi de prendre du recul et d’échanger sur les mois qui viennent de se passer.

Je commence à comprendre que ce qui a grandement contribué à me mettre sur les rotules, c’est cette volonté de suivre toutes les bonnes pratiques, tous les bons conseils des top manageur et manageuses sur mon radar et de les appliquer pour mon équipe. Je n’ai pas été en mesure de juger que je n’avais ni le temps, ni l’énergie, ni l’expérience pour le faire correctement (voire pour le faire tout court).

Pingouin qui court, sous titré back to the grind

Moi, à la rentrée

J’attaque la rentrée requinqué. Et heureusement car l’économie commence à s’habituer à bosser dans un contexte de pandémie, malgré des annonces gouvernementales très variables qui nous laissent plus dans l’incertitude qu’autre chose. On a pris un coup de massue au premier semestre, il va falloir se relever au second. Tous les secteurs ne sont pas repartis et on charbonne pour aller chopper du contrat.

Et on s’en sort plutôt bien, on avance pas mal et on prend un cap qui devrait nous permettre de tenir nos objectifs. On sent quand meme que la fin d’année va être compliquée et qu’on va payer un peu nos déboires d’organisation, mais on arrive à mettre en place un plan de route pour lequel on est confiant.

L’alternance remote/agence est plutôt propice à une bonne productivité, mais un peu complexe pour avoir la possibilité de croiser toute l’équipe. C’est malgré tout un rythme auquel tout le monde, moi y compris, à l’air de bien réussir à s’adapter.

La seconde vague arrive, et avec elle un second confinement. Cette fois on l’a vu venir. Même si je n’ai pas envie d’être coincé chez moi, j’y suis mieux préparé.

Fini les plans sur la comète. L’année m’a épuisé et on a encore pas mal de pain sur la planche avant de crier victoire. Je réduis pas mal le taff que j’avais prévu sur les aspects stratégiques, mais cette fois ci c’est par choix, pas une situation que je subis. Je sais que mon énergie est limitée et je décide de la consacrer principalement à une chose : la disponibilité.

Je suis chez Novaway depuis bientôt 10 ans. Je suis passé par quasi tous les postes de cette agence. J’ai fait (un peu tardivement) mon deuil sur le fait d’être le meilleur sur chacun de ces postes, mais je sais comment ils s’interconnectent, quelles sont leurs forces, et surtout comment je peux les aider à en tirer le meilleur parti.

J’ai tout fait pendant ce mois et demi confinement. De la proposition commerciale à l’écriture de code (projet ou TMA), en passant par la com, la gestion de projet, l’administratif ou l’animation d’ateliers, tout en essayant de conserver une posture managériale que j’ai volontairement réduite au strict nécessaire.

J’ai fini le confinement tout aussi épuisé, mais je pense avoir été beaucoup plus efficace. Ce n’était pas parce que j’avais le meilleur plan comme j’ai pu le penser en mars, mais parce que j’ai réussi à permettre à l’équipe de garder leurs propres plans sur les rails, de les aider à les ajuster dans le bon sens au besoin, et d’essayer de multiplier l’effet de leurs efforts.

Et ça a payé ! On finit avec une année dont on n’a pas à rougir. Je suis personnellement très fier de mon équipe et de la façon elle a su être soudée pour gérer la situation dans les victoires comme dans les erreurs ou les doutes.

Si on peut déjà s’attendre à ce que 2021 apporte son lot de challenges, je suis aujourd’hui plus réaliste sur la façon de les aborder et des stratégies à mettre en place pour s’y préparer. J’ai compris que je ne suis pas un surhomme capable de mettre en place dans une agence de 20 personnes ce que je lis dans les livres des ancien•ne•s d’Apple, Google et autres stars de la Silicon Valley.

Je me souviendrai de 2020 comme d’une année compliquée. Les incertitudes actuelles font que je préfère ne pas faire de prévisions hâtives pour 2021, mais j’ai acquis cette année une maturité supplémentaire qui me permet d’aborder celle qui vient de façon positive.

Mais pour le moment, je profite d’un peu de repos bien mérité.

Sieste sur un canapé avec ma fille sur moi

Meilleure illustration possible de cette fin 2020